Ccotos – frontière Bolivienne : sous le charme du lac Titicaca

Les 26 et 27 juillet, nous restons plus de deux journées entières sur la plage de Ccotos à admirer le paysage, les femmes en jupe qui vont pêcher matin et soir en barque, la lune presque pleine, les paysans qui s’occupent de leurs champs (blé, orge, fèves, pommes de terre, …).

Le lac Titicaca (qui signifie « Roc du Puma en Aymara ») est impressionnant, situé à 3 800 m d’altitude, il a une superficie de plus de 8 500 km2 (180 x 50 km environ), soit plus de 14 fois le lac Léman.

Une femme amène ses affaires de pêche en brouette

Sur la plage, nous bricolons tout un tas de choses, nous entretenons nos montures, nous rapiéçons nos vêtements, nous faisons la lessive, pendant que les enfants jouent sur la plage du lever au coucher du soleil (de 7h à 17h) et se mettent à construire un « musée » avec une belle allée, des châteaux, des toboggans, une cuisine, des toilettes avec de la « sciure », bref, tout un programme ! Elles découvrent même des pommes de terre enfouies dans le sable.

Nous les cuisons d’ailleurs le soir-même pour le plus grand bonheur de Lilwen. Sachez que l’on retrouve des pommes de terre cuites dans sa doudoune, sa polaire ou dans la sacoche de guidon du petit vélo, car Lilwen fait des réserves en cas de pénuries…

Il y a aussi toutes sortes d’oiseaux, en particulier des canards au magnifique bec bleu (Anas puna), les oies des Andes, les mêmes que nous avons vues à l’Ausangate (Chloephaga melanoptera), des poules d’eau, des mouettes, des grèbes (que nous n’arrivons à identifier) et aussi toujours les ibis de Ridgway (Plegadis ridgwayi), des passereaux aux belles plumes jaunes (le Phrygile du Pérou, Phrygilus punensis).

Au centre, le canard au bec bleu (Anas puna)

Oies des Andes (Chloephaga melanoptera)

Gwenaël décide le premier jour de prendre un bain matinal. L’eau est encore glaciale, tout comme le vent, la nage est belle mais elle a du mal à se réchauffer ensuite ! Le bain familial de l’après-midi est beaucoup plus agréable, on a du sang breton ou on n’en a pas !

C’est l’occasion d’admirer notre bronzage de cyclistes 😉 !

Nous avons fait plus de 1000 km à vélo depuis notre départ, cela vaut bien une petite chanson de célébration (sur l’air de « Montons dans le train » d’Hélène Bohy) :

Nous repartons, bien reposés et enivrés par ce calme et cette beauté. Direction La Paz en Bolivie où nous devons être avant le 9 août, date à laquelle la Maman de Gwenaël (Adeline, ou Malou pour ses petits-enfants) et son ami (Jim) arrivent pour nous rendre visite. Il ne faut pas que nous chômions puisque plus de 320 km nous séparent de La Paz et il nous reste, voyons voir… 12 jours, soit 27 km/j. Cela fait beaucoup pour nous, surtout si nous empruntons des pistes (nous allons 30 à 50 % moins vite que sur la route) mais c’est jouable. Pour raccourcir cette distance et éviter la route très fréquentée Taraco-Huancané, nous espérons trouver un bateau à Pusi pour rejoindre Conima de l’autre coté du lac. En effet, cette liaison apparaît sur nos cartes (Michelin et Reise Know-How) et durant notre pause à Ccotos nous avons pu observer un certain nombre de bateaux qui semblaient faire cette liaison. En réalité, c’était la seule et unique fois que nous avons vu des bateaux traverser, cette liaison n’existe pas, elle est inconnue dans chaque village dans lequel nous nous sommes renseignés. Mystère, mystère ! Seule solution, pédaler, allez en route ou plutôt en piste ! La piste qui relie Capachica à Taraco est de toute beauté et dans un premier temps nous surplombons le lac puis la piste s’éloigne de la rive comme entre Escallani et Taraco.

Elle serpente entre le pied des montagnes et le plat de bordure de lac. Nous apercevons les petits champs, les vaches, les moutons, les cochons et les ânes, souvent au bout de leur corde. Les paysans battent le blé pour en sortir les graines, trient les graines de quinoa (en les envoyant en l’air), l’avoine et les autres céréales sèchent.

Une femme tisse

Dans la région, il y a dû avoir des programmes d’investissement car nous voyons des auges en béton pour les vaches, des sanitaires tout en couleur (brique rouge), des puits fermés et très certainement récemment l’accès à l’eau potable courante (du coup les puits ne fonctionnent plus).

Un soir, nous campons près de petits bateaux pêcheurs (avec avirons sans moteur), toujours de la même couleur (blanc, bleu, rouge), qui reviennent de poser leur filet.

Les enfants se lèchent les babines à l’idée de manger de la truite au petit déjeuner, mais finalement nous renonçons de leur demander, ne voulant pas en cuisiner dès le matin avec notre réchaud et notre poêle trop fine (mais légère !) qui brûle les aliments. Aïe, nous avons fait des déçus, surtout Olwéane qui se voyait déjà boulotter les yeux, les nageoires et la queue grillées ! L’empereur Inca, lui se faisait livrer du poisson du lac Titicaca à Cusco à plus de 300 km ! Des coureurs se relayaient tout au long du parcours pour que le poisson arrive frais ! Les « totora » (Schoenoplectus californicus), sortes de roseaux, apportent des palettes de vert au bord de l’eau. Il existe plusieurs sortes de totora : celle qui sert à nourrir animaux comme les « cuys » (cochons d’Inde) et les moutons et une autre, plus grosse, utilisée pour les bateaux et les îles flottantes (comme les îles Uros à proximité de Puno que nous n’avons pas visitées nous avons préféré languir sur une plage que de faire un bain de foule sur ces îles). Nombre de canards et d’oiseaux en profitent pour se cacher.

Ibis des Andes (Theristicus branickii)

Les canards au bec bleu (Anas puna)

Les filles quant à elles, profitent d’un tas de branchages pour faire un feu le soir. Le lendemain, nous dormons près de Taraco sur un stade de foot abandonné, il n’y a pas de bois, mais elles trouvent rapidement des bouses de vaches séchées qui brûlent assez bien en dégageant une odeur plutôt agréable contre toute attente ! Ravies de cette expérience, elles font des provisions de bouses séchées qu’elles trimballent dans un sac plastique (ce n’est pas ce qu’il manque ici) pour le soir suivant !

A Taraco, nous quittons notre petite piste toute tranquille pour rejoindre la route fréquentée qui mène à Huancané (pas de bande d’arrêt d’urgence). Nous finissons les 10 derniers kilomètres tout seuls car la route est en travaux et le trafic est dévié, ouf, quel soulagement ! Vive les vélos, nous pouvons nous faufiler partout ! Nous pouvons relâcher notre attention et pouvons admirer de petites constructions en pyramides servant à cuire la nourriture à l’aide de laine ou de bouses.

19 km après Huancané sur la route peu fréquentée en direction de Moho, nous bifurquons à droite pour prendre une petite piste en bordure du lac qui nous fait s’exclamer : « Nous sommes sur la route la plus belle du monde ! ». Parfois, nous nous trouvons en face d’un dédale d’îlots, d’îles, de presqu’îles et de fjords… Parfois, nous ne savons plus si nous admirons le lac Titicaca ou un autre lac (la carte nous indique qu’il s’agit bien du lac Titicaca à chaque fois). D’autres fois, persuadés qu’un côté la terre se referme pour former une baie, nous passons un virage, un col et oh surprise, la baie n’en est finalement pas une et nous découvrons un passage… et en réalité c’est une île… ou une presqu’île, peu importe ! Ce spectacle se prolonge pendant 2 à 3 jours… une merveille. La mer – euh pardon, le lac – a des reflets turquoises au-dessus des rochers qui rappellent les criques de la Presqu’Ile de Crozon en Bretagne ou de Corse. Les arbres d’Eucalyptus apportent un peu de vert-bleu dans les pentes arides. Sur la piste, nous croisons de rares voitures, quelques motos et des éleveurs amenant leurs troupeaux paitre. Les maisons en brique de terre se fondent dans le paysage. Les habitants ont également conscience de la beauté des lieux quand nous parlons avec eux.

En dehors des routes principales, le calme est un cadeau que nous ne trouvons presque plus dans nos pays. Seuls nos pneus crissent sur les pistes caillouteuses. Il arrive cependant parfois que la musique se déchaine jusque tard dans la nuit (2h du matin) dans le petit village, et nous en profitons si nous dormons à portée de son, comme ce soir-là au bord du lac. Les enfants ne sont nullement gênés de leur sommeil de plomb.

Le lendemain matin, elles décident de nous faire une surprise et nous font une délicieuse salade de fruits avec les fruits que nous avons trouvés au marché de Huancané. Quelle fraîcheur, quel délice, nous faisons le plein de vitamines !! Nous avons cependant la visite d’un monsieur qui se dit propriétaire du terrain sur lequel nous nous sommes installés pour la nuit et qui est complètement ivre de beau matin, comme nous en avons peu vus. La piste vers Moho poursuit, presque même plus belles que les précédentes (est-ce possible ?), avec des petites criques magnifiques. Notre cœur s’y accroche, est-ce l’attirance de l’immensité du lac ? Ou son bleu intense et profond ? Ou la quiétude et son aspect sauvage ? En tous les cas, nous nous verrions bien nous installer ici !

Nous humons les senteurs d’eucalyptus, en particulier lorsque des troncs viennent d’être coupés, et un parfum d’îles bretonnes (Houat, Hoëdic) qui vient d’une plante qui ressemble à l’immortelle (les locaux l’utilisent pour soigner la toux).

La route serpente et passe quelques petits cols autour des 4000 m. Sur l’un d’eux, s’entrelacent des blocs de pierres roses que les enfants adoptent immédiatement lors d’une pause déjeuner. Après la pause déjeuner, elles partent explorer les environs, se cachent, grimpent sur les blocs et lorsque nous les appelons pour repartir elles reviennent toutes les 3, toutes sourires : « Papa, Maman, est-ce qu’on peut camper ici ?! ».

Malheureusement, nous avons des kilomètres à abattre avant d’arriver à destination, nous devons y aller… à leur grand désespoir. Le soir, nous nous arrêtons au col suivant qui heureusement a aussi de bons rochers pour escalader et se créer tout un monde : en haut il y a la cuisine, plus bas la salle de jeu et en bas le magasin qui vend de la laine ! Elles jouent avec ce tout ce qu’elles trouvent (y compris dans les poubelles des bords de routes) et les quelques jeux que nous avons emmenés avec nous ne servent pas beaucoup, sauf le jeu de carte. Les bonnes choses ont une fin, ce sont nos derniers jours au Pérou, mais quelles journées !

La « maison » des enfants. En haut la salle de jeux, puis la cuisine, etc. En bas, le magasin de vente de laine…

Le jour suivant, nous profitons du soleil et de sa chaleur (toute relative car il est un peu caché par les nuages) pour nous laver dans le lac et faire un brin de lessive. Effectivement, en fin de journée nous sommes arrêtés par un orage fulgurant. Nous dégottons juste à temps une chambre dans le village de Conima. Dans la chambre, il y a des trésors : doudous, couvertures, chapeaux. Nous achetons le tissu qu’utilisent toutes les Péruviennes pour porter les bébés, les enfants, le bois, les pommes de terre, les poissons, les récoltes, … et faisons des essais !

Le lendemain, nous partons. Nous avons le cœur serré pour ce dernier jour au Pérou. Nous voyons encore les montagnes sculptées de terrasses. Après questionnement des paysans, ils nous disent qu’il s’agit de terrasses anciennes et qu’elles ne sont plus utilisées.

En arrière plan, la montagne est sculptée avec des anciennes terrasses

Quelle étendue cultivée il y avait, cela devait servir à la vaste population qui dépassait ces contrées. Les discussions avec les habitants sont tout de même un peu délicates car beaucoup ne parlent que Aymaras. Cette langue est différente du Quechua et les quelques mots que nous avons appris ne nous servent guère. Ce peuple Aymaras est originaire de la région du lac Titicaca, entre la Bolivie, le Pérou ainsi que le Chili et l’Argentine. La culture s’est répandue dans la Cordillère des Andes et même jusqu’à Lima. Elle atteint son apogée vers 900 an de notre ère, puis décline en se divisant. Ce sont des divisions rivales que rencontrent les Incas lors de leur expansion.
Toujours est-il que ce jour-là, il semble que les gens nous saluent particulièrement, avec leur grand sourire, leur questionnement et leur souhait de bon voyage…

Et toujours les campagnes électorales affichés sur les murs, avec chacun son symbole. Nous croisons d’ailleurs sur notre route, un candidat du parti « de la pelle » (contre la goutte d’eau et le coq rouge !).

Ce jeudi 2 août, à Tilali, nous faisons tamponner nos passeports pour la sortie du Pérou. Gwenaël verse sa petite larme, Naïline et Pascal sont émus.

Il nous faut maintenant arriver avant la fermeture du poste frontière en Bolivie à Puerto Acosta (fermeture à 18h, avec une heure d’avance par rapport au Pérou). Nos premières vues de Bolivie sont à la hauteur de ce que nous avons vu côté péruvien sur lac.

Nous passons un « petit col » et découvrons les « fameuses » pistes de Bolivie, raides, caillouteuses avec un bon vent qui nous accompagne !

La descente est lente et parait interminable… Nous arrivons juste à temps au poste de contrôle qui nous réserve un très bon accueil et nous tamponne nos passeports pour 90 jours. Les photos de voyageurs sont affichées sur un poster, nous retrouvons notre amie Iris (rencontrée à Cusco) qui a dû passer là il y a plus d’un mois ! Nous faisons une déclaration rapide à la douane et filons vers une une petite auberge –  » Bienvenido a Bolivia ! « .

Si vous voulez voir les détails de cette étape, cliquez sur l’image ci-dessous. Total au compteur : 1 560 km.

7 commentaires

  1. Nous pensons bien à vous le long des routes péruviennes. Arrivons ce jour à Puno. Nous avons randonné à pied et à cheval dans les montagnes et vallées autour de Cusco. C était splendide. Avez vous prévu d aller en Amozonie depuis la Bolivie ?
    Nous repartons ensuite vers le sud Arequipa et canyon de Colca. Au plaisir de vous lire encore . Beijinhos

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  2. Allez savoir pourquoi (;-) ce nom Titicaca m’a toujours fais sourire, mais j’ignorait qu’il signifiait Roc du Puma en Aymara!
    Est-ce que Pascal a tenté de godiller sur ces jolies barques?
    Et pour la pêche, à l’instar de son collègue empereur à Cusco, il me semble que Louis XIV appréciait aussi le poisson frais à Versailles.
    En tous cas, photos et récits sont de nouveau juste magnifiques et oniriques!
    Bises@vous, continuez à bien pédaler!!

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    1. Pour faire échos à vos sensations visu-olfactives et aux news de Blandine, on est d’ailleurs allé dormir à Houat en Sloughy en Juillet. Pas assez de zef pour atteindre Belle-Ile, Que Magali ne connait du coup toujours pas. Nuit agitée par une petite houle assez.. bref… puis déjeuner au Beniguet pour finir par un retour au Crouesty sous une météo.. très Bretonne! 😉

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  3. Super les idées de photos : 5 paires de belles jambes (au prochain village où vous devrez parader vous pourrez danser le French Cancan), 5 casques entrant en Bolivie, …
    Merci pour toutes les explications sur les animaux, les plantes et le mode de vie des habitants. Surtout, merci d’avoir précisé que le canard à bec bleu était au centre de la photo car je ne l’avais même pas vu …
    Bises et profitez bien de vos visiteurs
    Blandine

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